planche publiée le 06 novembre 2024

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Table des matières

Le football, une passion politique récente

1L’organisation de la Coupe du monde en France en 1998, couplée à la victoire de l’équipe nationale masculine, a modifié la place occupée par le football dans le pays. L’élan patriotique suscité par la compétition a ouvert une nouvelle séquence, tant les personnalités politiques de premier plan étaient rares à afficher publiquement leur passion du football. Si Jacques Chirac ne s’intéressait que très peu à ce sport, cherchant surtout à capitaliser sur les victoires pour soigner sa cote de popularité, les présidents lui ayant succédé ont tous affirmé leur passion du football. Nicolas Sarkozy a largement médiatisé son statut de supporter du Paris-Saint-Germain (PSG) et François Hollande a déclaré sa fidélité au club de son enfance, le FC Rouen, ainsi que son attachement à l’AS Monaco. Quant à Emmanuel Macron, il a mis en scène son soutien à l’Olympique de Marseille (OM), déclarant son « affection » de longue date pour le club.

« OM Parlementaires ». Le football, vecteur de rapprochements politiques ?

2La relation entre des représentants politiques nationaux et les dirigeants de l’équipe marseillaise a trouvé un prolongement au sein du Parlement. En septembre 2018, trois députés (Éric Diard, Stéphane Vitry et Sacha Houlié) ont fondé un groupe baptisé « OM Parlementaires », ayant pour vocation de réunir les députés et sénateurs se déclarant supporters du club : 69 élus, 52 députés et 17 sénateurs, ont adhéré. Né à Marseille, député Les Républicains (LR) de Vitrolles, Éric Diard entretient un lien a priori évident avec l’OM, d’autant que sa participation à un groupe de travail sur l’économie du sport l’a conduit à auditionner Jacques-Henri Eyraud, alors président du club marseillais. En revanche, les deux autres fondateurs n’ont pas de lien géographique avec Marseille. Nés respectivement à Épinal et à Bressuire (Deux-Sèvres), Stéphane Vitry est député LR des Vosges et Sacha Houlié est député La République en Marche (LREM) de la Vienne.

3Force est de constater que le collectif épouse les contours d’une Assemblée nationale 2017-2022 dominée par les partis formant la majorité présidentielle : 35 des 52 députés membres d’OM Parlementaires en sont issus. Les députés LR sont au nombre de 12 tandis que les partis de gauche sont faiblement représentés avec 4 socialistes et un communiste. Quant aux 17 sénateurs supporters de l’OM, ils sont majoritairement LR (7), à l’image d’une chambre dominée par ce parti. Les affinités partisanes et les réseaux d’interconnaissance semblent donc avoir joué un rôle dans la constitution du collectif. Celui-ci a pu aussi offrir aux élus de la nouvelle majorité un cadre d’échanges informels avec leurs homologues d’autres formations politiques, notamment ceux issus des rangs LR.

Un réseau national d’influence

4La diversité des origines géographiques caractérise en outre OM Parlementaires (figure 1). Certes, 7 membres sont originaires de Marseille, 4 sont nés dans les Bouches-du-Rhône et 11 autres en Provence-Alpes-Côte d’Azur, mais 47 ne sont pas originaires de cette région. Bon nombre de ces élus supporters n’ont donc pas de lien de proximité géographique avec Marseille.

Figure 1 - Origine géographique des 69 parlementaires supporters de l'OM

Sources : L. Lestrelin

5Ce constat se renforce lorsque l’on examine les territoires d’implantation politique (figure 2). Du côté des sénateurs, le département des Bouches-du-Rhône fait quasiment carton plein (6 sur 8 sont membres d’OM Parlementaires), ce qui semble confirmer combien il apparaît difficile pour un élu local de ne pas s’afficher supporter de l’OM. Quant aux députés, 13 sont élus dans les Bouches-du-Rhône et 5 dans le Var, le Vaucluse et les Alpes-de-Haute-Provence. Mais des parlementaires supporters sont implantés bien au-delà de ces départements, de sorte que la proximité immédiate d’un club concurrent semble un frein très relatif. Outre la présence de trois députés d’Île-de-France, l’adhésion la plus « surprenante » est celle d’un député de la Loire, où se situe pourtant l’AS Saint-Étienne, l’une des équipes rivales de l’OM.

Figure 2 - Territoires d'implantation politique des parlementaires supporters de l'OM

Sources : L. Lestrelin

6Faut-il voir dans cette situation l’effet d’une « génération 1993 », année du sacre européen du club ? Au lancement officiel d’OM Parlementaires, en novembre 2018, l’âge moyen des membres était de 50 ans. Pour bon nombre d’entre eux, le titre continental remporté par l’OM correspond ainsi aux années de leur jeunesse. Le spectre générationnel est néanmoins large. En 2018, le plus jeune député d’OM Parlementaires avait 27 ans et 4 autres députés avaient 30 au plus, dont Sacha Houlié, l’un des initiateurs du collectif.

7OM Parlementaires réussit donc à fédérer des élus relativement nombreux, d’âge et d’horizons géographiques variés. En ce sens, le groupe est à l’image de la population des supporters de l’OM, disséminés en France. Quoique les dirigeants marseillais aient toujours réfuté toute démarche intéressée, le club a cherché à cultiver ce réseau, conscient des ressources potentielles et mobilisables qu’il offrait, chargeant spécifiquement un salarié de l’animer. Quant aux membres d’OM Parlementaires, ils ont sans doute perçu tout l’intérêt d’investir le terrain du football pour profiter dans le champ politique des retombées symboliques liées à l’engouement local mais aussi national toujours fort pour le club marseillais.

Ludovic Lestrelin, 2024 : « Parlementaires et supporters.
La popularité de l’Olympique de Marseille auprès des députés et sénateurs français », in L. Lestrelin, Y. Le Lay, F. Madoré, S. Loret & S. Charrier Atlas des Sports [En ligne], eISSN : 2971-4133, mis à jour le : 06/11/2024, URL : https://atlas-des-sports.fr:443/index.php?id=643, DOI : https://doi.org/10.48649/asds.643.