planche publiée le 19 juin 2024

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Un parcours qui relativise la géographie de la France...

1À première vue, le tracé 2024 du Tour de France laisse apparaître une France embryonnaire, et le départ du côté italien des Alpes tire l’espace sportif vers l’est (figure 1). En effet, des pans entiers du territoire national sont évités, en particulier dans le nord et l’ouest du pays. En l’absence de Paris, la ville la plus septentrionale est Troyes (Aube), à 330 kilomètres du point le plus au nord du pays. L’arrivée de la dixième étape à Saint-Amand-Montrond (Cher), à l’extrémité nord-ouest du parcours, est à proximité du barycentre du territoire français (où l’étape passe), mais à 300 kilomètres du barycentre du Tour de France 2024, situé sur la commune drômoise de Rochechinard, en bordure du Vercors. Cela confirme l’idée d’un parcours géographiquement très décentré vers l’est, notamment en raison du grand départ italien.

Figure 1 : Parcours du Tour de France 2024

Sources : https://www.letour.fr, https://www.lefigaro.fr

2Très ancré au sud du pays, le parcours 2024 rappelle celui de 2020 qui, hors des deux dernières étapes dans les Vosges et à Paris, avait son point le plus septentrional à Champagnole (Jura) et empruntait à deux reprises les routes des Alpes. Les régions du nord du pays étaient évitées de la même manière pour contenir le tracé dans celles offrant les meilleures possibilités topographiques et sportives Cette option des organisateurs du Tour se retrouvait également dans l’édition 2023, qui traversait le pays en diagonale du Pays Basque aux Vosges. Ainsi, les deux derniers parcours se complètent en une géographie française qui ignore le grand ouest, mais qui concerne l’intégralité des massifs montagneux, et encore davantage en tenant compte du parcours de l’épreuve féminine. En définitive, les tracés peuvent visiter des régions différentes d’une année sur l’autre tout en confirmant certaines tendances dans la construction de l’épreuve. Les massifs montagneux sont devenus en réalité le centre de chaque parcours, bien que changeant d’une année sur l’autre : le pays de Savoie en 2023, les Alpes du Sud en 2024 par exemple.

... mais qui confirme la géographie du Tour

3Bien que son tracé soit original, le contenu des étapes et les lieux visités par le Tour de France 2024 sont assez classiques, malgré un enchaînement lui aussi inhabituel : deux passages alpins avec le Galibier dès le quatrième jour et un contre-la-montre au fort dénivelé le dernier jour (Monaco-Nice via la Turbie et le col d’Eze). Le parcours s’appuie sur des « invariants » comme le Tourmalet ou le Galibier, et plus largement sur les départements des principaux cols (Hautes-Pyrénées, Savoie, Hautes-Alpes), tout en proposant des cols moins habituels : la Bonette, le Noyer ou la Couillole, théâtre d’arrivée de la dernière étape en ligne. Ceci représente d’ailleurs une tendance marquée depuis une quinzaine d’années, avec un équilibre entre les hauts-lieux et les sites moins connus mais qui présentent un intérêt sportif certain, comme Superdévoluy en 2024. Les sites en question sont positionnés à des endroits stratégiques pour le déroulement de la course, en particulier en fin de semaine afin de prouver leur intérêt sportif : ce sera le cas en 2024 de la Bonette et la Couillole (19^ème et 20^ème étapes), comme cela a été le cas dans un passé récent avec la Planche des Belles Filles, d’abord programmée en début de Tour puis en épilogue en 2020, ou encore le col de la Loze, aux enjeux sportifs évidents (2020 et 2023).

4Cette logique d’équilibre entre les sites se retrouve également dans la récurrence des départements traversés (figure 2) : si certains sont présents chaque année ou presque (Hautes-Pyrénées, Savoie), d’autres sont présents une à deux fois par décennie, souvent en raison d’un manque d’intérêt sportif ou des collectivités, et parfois de difficultés logistiques. Ainsi, des départements d’accueil présents dans le tracé 2024 le sont pour la première fois depuis une longue période : 18 ans pour la Creuse, 21 pour la Haute-Marne et même 24 pour le Lot-et-Garonne. Cela témoigne du caractère variable et assez inégalitaire du parcours, les centres de l’épreuve étant majoritairement en montagne.

Figure 2 : Centres sportifs et géographiques du Tour de France

Sources : ASO, https://www.letour.fr, https://www.lefigaro.fr

5Les franchissements de cols sont également répartis sur l’intégralité du parcours, maintenant un intérêt sportif fort tout au long de la compétition. Pour la première fois même, un col est au programme de la dernière étape qui s’achève exceptionnellement à Nice, ce qui va dans le sens d’un rapprochement des derniers sites clefs de la fin du Tour, comme cela a été le cas avec le Mont Ventoux en 2009 ou le Markstein en 2023, qui étaient programmés la veille de l’arrivée sur les Champs-Élysées.

6Finalement, ce qui ressort de la singularité géographique du parcours du Tour de France 2024, c’est d’abord son aspect méridional, ignorant les régions du Nord et de l’Ouest, et sa circularité qui est à l’exact opposé du parcours 2023, tout en confirmant les tendances globales de construction du tracé depuis une quinzaine d’années. L’arrivée à Nice plutôt qu’à Paris permet de renforcer ces aspects en programmant des étapes montagneuses jusqu’au dernier jour, ce qui pourrait inciter les organisateurs à répéter ce genre d’exceptions, comme cela se fait sur les deux autres grands tours (Giro et Vuelta), pour lesquels les arrivées ne se font pas systématiquement dans la capitale.

Antonin van der Straeten, 2024 : « La singularité géographique du Tour de France 2024 », in L. Lestrelin, Y. Le Lay, F. Madoré, S. Loret & S. Charrier Atlas des Sports [En ligne], eISSN : 2971-4133, mis à jour le : 19/06/2024, URL : https://atlas-des-sports.fr:443/index.php?id=621, DOI : https://doi.org/10.48649/asds.621.