Atlas des Sports

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Les marathons en France (1/2) : entre effet de métropolisation et dissémination

par François Madoré et Stéphane Loret

planche publiée le 08 juillet 2023

Le marathon est une épreuve mythique dans l’univers de la course à pied. Avec le passage d’un registre exclusivement compétitif à un mode hédoniste, nombre de marathons populaires, c’est-à-dire accessibles à tous et non plus seulement aux seuls athlètes des fédérations athlétiques, ont vu le jour dans les années 1970-1980. En France métropolitaine, 76 épreuves sont prévues en 2023 et, si le marathon est d’abord une course urbaine obéissant à une logique de métropolisation, l’offre est malgré tout relativement disséminée.

Le marathon, d’un mode compétitif à un mode hédoniste

1Le marathon évoque tout d’abord l’exploit de Philippidès, parcourant la distance de Marathon à Athènes pour annoncer la victoire sur les Perses lors de la première guerre médique en 490 av. J.-C. Mais au-delà de cette légende, si le marathon occupe désormais une telle place dans l’imaginaire de la course à pied, c’est qu’il représente une forme de Graal devenu accessible au plus grand nombre des runners. En effet, jusque dans les années 1960, les seuls marathons existants, organisés à l’occasion des grands rendez-vous sportifs (Jeux olympiques, championnats nationaux ou internationaux), étaient réservés à des athlètes de haut niveau. Puis, de nombreux marathons populaires réunissant pour l’essentiel des coureurs non licenciés ont été organisés, ces courses sur route se développant originellement hors contexte fédéral avant d’être reconnues par la Fédération française d’athlétisme.

2L’exemple français illustre ce changement de registre. Le premier marathon est organisé en 1971 à Neuf-Brisach en Lorraine et la progression est ensuite très rapide : la barre des dix marathons est franchie en 1974 puis celle des 50 en 1980. Un point culminant est atteint en 1988 avec 90 épreuves. En 2023, 76 marathons sont prévus en France métropolitaine, si l’on croise les informations de deux sites web (www.marathons.fr; jogging-plus.com) et après vérification sur chaque site des organisateurs (quatre épreuves annoncées sur les deux sites web ont été annulées).

Une épreuve urbaine et une offre répondant à une logique de métropolisation

3Si l’univers de la course à pied est de plus en plus marqué par l’essor des courses nature, courir un marathon en France, c’est d’abord et avant tout fouler le macadam urbain, du moins au départ et à l’arrivée, car la longueur du parcours peut amener les participants à traverser en partie un cadre champêtre, en effectuant une boucle hors agglomération ou un trajet d’une ville à l’autre. Sur les 76 épreuves recensées en 2023, 67 se déroulent ainsi dans une unité urbaine. Les logiques géographiques présidant à la construction de l’offre de marathons diffèrent donc fondamentalement de celles permettant d’expliquer l’ensemble des courses à pied, où le rôle de la ruralité est déterminant, avec une épreuve sur deux organisée dans une commune de moins de 3 000 habitants et quasiment une sur quatre dans une commune de moins de 1 000 habitants.

4Par ailleurs, l’effet métropolisation dans l’offre de marathons est net (figure 1). Sur les dix plus grandes agglomérations françaises, les seules qui dépassent la barre du demi-million d’habitants, sept proposent un marathon en 2023. Dans les unités urbaines comprises entre 200 000 et 500 000 habitants, 40 % d’entre elles en organisent un (10 sur 25 en France métropolitaine). Puis la proportion tombe au quart dans les agglomérations de 100 à 200 000 habitants et à 10 % seulement pour les plus petites, peuplées de 20 à 100 000 habitants.

Figure 1 : Proportion d’unités urbaines françaises métropolitaines organisant un marathon en 2023 selon leur taille démographique

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Sources : https://www.marathons.fr/Calendrier-des-Marathons-de-France, https://jogging-plus.com/calendrier/marathons/france, INSEE, recensement de la population 2017, composition communale des unités urbaines 2020.

Un effet métropolitain très imparfait

5Cependant, toutes les métropoles n’organisent pas un marathon. C’est le cas de trois des dix plus grandes (Bordeaux, Toulon et Toulouse), ainsi que de 15 des 25 agglomérations peuplées de 200 000 à 500 000 habitants. La répartition géographique de ces villes de plus de 200 000 habitants organisant un marathon semble aléatoire (figure 2) et la présence d’une telle épreuve ne peut être lue également comme un témoignage d’un dynamisme urbain : certaines agglomérations organisent un marathon alors qu’elles sont atones démographiquement depuis quelques décennies, à l’image de Metz ou de Rouen, alors que Bordeaux et Toulouse ne proposent plus de marathon tout en étant classées parmi les plus attractives.

Figure 2 : Grandes villes (unités urbaines de plus de 200 000 habitants) organisant ou non un marathon en France métropolitaine en 2023

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Sources : https://www.marathons.fr/Calendrier-des-Marathons-de-France, https://jogging-plus.com/calendrier/marathons/france

6Les raisons de la disparition du marathon dans ces deux métropoles du sud-ouest du territoire, explicitées sur le site des organisateurs, en disent long sur les conditions à réunir pour proposer une telle épreuve, où la question financière est primordiale : « Le marathon nocturne de Bordeaux ayant été supprimé suite à une baisse d’effectif et de moyens au fil des années, c’est son petit frère le semi-marathon qui devient la tête d’affiche » ; « Le marathon de Toulouse Métropole, organisé chaque année depuis 2007, n’a pas eu lieu depuis 2019. Et il n’aura pas lieu ni en 2022, ni en 2023. Le coût de l’événement est jugé trop élevé ». Toutefois, les modèles économiques des marathons et les conditions de leur viabilité sont variés, à l’image de la diversité des types d’organisateurs (structures privées, associations) et du soutien inégal des collectivités locales.

7Enfin, si l’effet métropolisation dans l’offre de marathons est indéniable sans être absolu, l’organisation d’une telle épreuve est loin d’être l’apanage des grandes villes. Une course sur quatre seulement (19 sur 76) se déroule dans une unité urbaine de plus de 200 000 habitants (figure 3). A contrario, bien plus d’épreuves ont pour cadre une petite ou moyenne ville : quasiment un marathon sur deux (35) est organisé dans une unité urbaine comptant moins de 50 000 habitants et neuf autres le sont hors unité urbaine. Autrement dit, si la probabilité de proposer un marathon augmente avec la taille de la ville, l’offre est relativement disséminée.

Figure 3 : Répartition des marathons organisés en France métropolitaine en 2023 selon la taille de l’unité urbaine

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Sources : https://www.marathons.fr/Calendrier-des-Marathons-de-France, https://jogging-plus.com/calendrier/marathons/france, INSEE, recensement de la population 2017, composition communale des unités urbaines 2020.

Pour citer ce document

François Madoré et Stéphane Loret, 2023 : « Les marathons en France (1/2) : entre effet de métropolisation et dissémination », in L. Lestrelin, Y. Le Lay, F. Madoré, S. Loret & S. Charrier Atlas des Sports [En ligne], eISSN : 2971-4133, mis à jour le : 08/07/2023, URL : https://atlas-des-sports.fr:443/index.php?id=560, DOI : https://doi.org/10.48649/asds.560.

Autres planches in : Polarisations, métropolisations

Image : Kate Baucherel de Pixabay

L’irréversible métropolisation du rugby d’élite masculin français

par Yvonnick Le Lay

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Bibliographie

Ben Mahmoud I., Massiera B., « L’attractivité d’un événement sportif, entre accomplissement personnel et enchantement touristique : le cas du marathon Nice-Cannes », Téoros, Volume 31, n°2, 2012, p. 95-105. https://journals.openedition.org/teoros/2350

Bessy O., Courir, De 1968 à nos jours. Tome 1 : Courir sans entraves, Pau, Cairn, 2021.

Blin É., « Sport et événement festif. La ville à l’heure des marathons et des semi-marathons », Annales de géographie, n°685, 2012, p. 266-286. https://doi.org/10.3917/ag.685.0266

Defrance J., « Un schisme sportif : clivages structurels, scissions et oppositions dans les sports athlétiques, 1960-1980 », Actes de la Recherche en Sciences Sociales, n°79, 1989, p. 76-91. https://doi.org/10.3406/arss.1989.2908

Lapeyronie B., « Marathon, trails, raids et développement touristique », Espaces, n°287, 2010, p. 20-25.

Scheerder J., Breedveld K., Borgers J. (dir.), running across Europe. The Rise and Size of one of the largest Sport Markets, Basingstoke (UK), Palgrave Macmillan, 2015. https://link.springer.com/book/10.1057/9781137446374

Index géographique

Stéphane Loret

Ingénieur CNRS en Humanités numériques, UMR 6590 Espaces et Sociétés

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Stéphane Loret

Résumé

Le marathon est une épreuve mythique dans l’univers de la course à pied. Avec le passage d’un registre exclusivement compétitif à un mode hédoniste, nombre de marathons populaires, c’est-à-dire accessibles à tous et non plus seulement aux seuls athlètes des fédérations athlétiques, ont vu le jour dans les années 1970-1980. En France métropolitaine, 76 épreuves sont prévues en 2023 et, si le marathon est d’abord une course urbaine obéissant à une logique de métropolisation, l’offre est malgré tout relativement disséminée.

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